Voilà, ça me reprend : Le podium des couronnes
Me donne des aigreurs d'estomac, je frissonne
En pensant à mes soeurs qui ont tant combattu
Pour que la société ne discrimine plus,
Et que le droit divin reste, aux livres d'histoire,
Une calamité mêlant guerres et gloires.
Qu'on ne m'accuse pas de nier la Beauté.
Ce n'est pas mon propos : Qu'elle soit remarquée,
Comprise, et préservée, comme lien potentiel
Avec la perfection, lui donne, dans mon ciel,
Une place de choix ; mais l'imagination
N'est jamais immobile et piège la raison
Plus souvent qu'on le croit. Une longue soirée
Consacre, pour un an, la reine, au Colysée,
Mirée par les grands yeux de multiples miroirs
Prêtés, pour l'occasion, par les marchands d'espoir.
Costumes d'organdi, voiles majestueux,
Rose poudre de riz, les biches jouent des yeux
Quand le tissu s'efface à l'heure du prestige
Éblouissant et nu : Pourvu que le vertige
Honore ce contrat : Pour salaire on prendra
L'élue, comme de soi, puis on s'en nourrira.
Pendant ce temps, j'écoute, en fermant les paupières,
L'opéra de Mozart, qui choisit la Lumière :
Avec Force, donnez place à la vérité,
Cherchez avec Sagesse où siège la Beauté.
Schikaneder, guidé par la philosophie,
Fût aujourd'hui blessé, voyant la parodie
Dans la fosse à purin de la publicité,
Déguiser une femme en toute impunité.
L'esclave consentante attirant les regards,
On ne sait même plus, ailleurs, comme il fait noir.
Colère, quitte-moi sur ce sujet frivole !
Il y a pire encore et cela me rend folle :
À l'opposé - crût-on, du marché, d'autres moeurs
Cachent sous un sac noir la femme. Quelle horreur !
Au pays de l'Égalité, l'obscurantisme avance
Autant en élisant quelques belles en transe,
Qu'en réduisant la femme en fantôme d'ébène.
Il manque tant d'amour. Mes Soeurs, j'ai trop de peine.
©M.KISSINE – ISBN 978-2-919390-144
