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25 juillet 2010 7 25 /07 /juillet /2010 18:26

 

Dans une rue d'Herat, il y avait, discret,

 

Un écriteau de fer : "Aux aiguilles d'or",

 

Dessous : "Cours de couture", et l'endroit abritait,

 

Contre les taliban, de sublimes trésors.

 

 

 

Nadia, dans son panier, sous un coussin d'aiguilles,

 

Pliait avec grand soin les carrés de coton,

 

Comme pour attester l'application tranquille

 

Des femmes afghanes. En cachant sa passion

 

 

 

Sous une bâche noire, avec quelques amies,

 

Nadia se réfugiait dans la pièce à ouvrage,

 

Loin des soldats sans nom aux regards ennemis,

 

Pour broder à l'envi des entrelacs fort sages.

 

 

 

Sous le tissu complice il y avait des livres,

 

Des poèmes bannis, des trésors de culture,

 

Strictement interdits, des textes qui enivrent.

 

Nadia s'en nourrissait, au salon de couture.

 

 

 

Son talent inspira un recueil clandestin

 

A la jeune beauté couverte de silence.

 

Nadia n'eut pas le temps de tenir dans ses mains

 

Son œuvre reliée, ni le bonheur intense,

 

 

 

Offert au grand soleil, d'avoir poli la pierre

 

Au temple du savoir. Son mariage conclu

 

Avec un professeur aussitôt lui fit taire

 

L'envie de liberté qu'elle avait entrevue

 

 

 

Dans les livres cachés au fond de son panier.

 

A-t-elle un jour parlé de son divin secret

 

A son mari sournois, pétri de vanité ?

 

Fut-il terrorisé par son talent ? Qui sait ?

 

 

 

Par un jour de novembre, il la battit à mort.

 

On retira les plaintes afin que l'assassin

 

Ne passât en prison qu'un mois. Le pauvre corps

 

Sans vie de Nadia fut arraché aux siens,

 

 

 

A la petite fille aux yeux noirs de chagrin

 

Qui ne reverrait plus sa mère décédée

 

A vingt-cinq ans à peine, c'est certain,

 

D'un suicide officiel, à l'âme dévoyée...

 

 

 

Le professeur depuis eut une promotion,

 

A la bibliothèque de l'université

 

D'Herat. Bien entendu, il clama sans façon

 

Que les vers de Nadia étaient politisés

 

 

 

A cause de l'emprise, alors, des taliban...

 

De l'asservissement où les femmes se meurent

 

Il ne dit pas un mot, en ardant pratiquant,

 

Habile à se placer en victime des mœurs...

 

 

 

Des six femmes cachées qui lisaient les poètes,

 

Quatre vivent encor', marquées à tout jamais

 

Par la mort de Nadia. La liberté qu'on prête

 

A la poésie saigne et survit, désormais,

 

 

 

Par la Fleur rouge sombre,aux vers désespérés,

 

Qu'elle nous a laissée, ultime testament

 

De Nadia Ajuman. La terre a accouché

 

De monstruosité. Pauvre pays afghan.

 

 

 

À Nadia Ajuman

 

auteur de Gul-e dodi, Fleur rouge sombre (2004)

 

battue à mort en novembre 2005,

 

par son mari,

 

à Herat, dans l'ouest afghan.

 

©M.KISSINE

 

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commentaires

L
<br /> c'est beau et boulerversant à la fois. J'avais pour ma part écrit dans mon premier recueil un poème sur Shakineh, une femme qui risquait d'être lapidée. Chaque femme battue, de quelque manière<br /> que ce soit, ce n'est pas normal. Merci pour ce texte magnifique.<br /> <br /> <br /> Bien amicalement,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Laeti<br />
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C
<br /> <br /> bonjour Mady !<br /> <br /> <br /> S'est avec beaucoup d'émotion que j'ai relu ce poème publié sur ton blog mon amie.<br /> <br /> <br /> Quand la cruauté et la barbarie empêche la liberté de s'exprimer... lorsqu'une femme tombe sous les coups... comment comprendre tant de cruauté, dans ce monde qui se dit humaniser ?<br /> <br /> <br /> Pour Nadia, mes roses.... Merci mon amie de nous rappeller, que l'obscurantisme règne sur ce monde...<br /> <br /> <br /> Toute mon amitié et mes roses Mady, porte-toi bien ! J'espère que tout va bien pour toi.<br /> <br /> <br /> Corinne (Cronin) bisous !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Merci Corinne, tu es adorable. Oui, il faut toujours être en éveil, dénoncer les crimes commis contre l'humanité. Hélas...<br /> <br /> <br /> Je t'embrasse<br /> <br /> <br /> Mady<br /> <br /> <br /> <br />